« J’aimerais continuer à être sauveteur jusqu’au jour où il n’y aura plus de souffrances en mer. » – Achref, marin-sauveteur

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Achref, 34 ans, est marin-sauveteur à bord de l’Ocean Viking. Originaire d’une ville côtière de Tunisie, il raconte son parcours de marin et ce qui l’a mené jusqu’à SOS MEDITERRANEE. 

 

Achref est originaire de Mahdia en Tunisie, une petite ville de la côte Est du pays, proche de la Sicile. Il entre à l’école maritime à l’âge de 20 ans. Il étudie d’abord en Tunisie pour devenir premier officier, et termine ses études en Turquie avec un brevet de Capitaine 5001. 

Après cinq ans d’école maritime, Achref travaille à bord de plusieurs types de navires : de pêche, de marine marchande, des remorqueurs et des yachts, principalement en Méditerranée centrale. En 2012, il rejoint un remorqueur affrété par une société française en Libye pendant plus d’un an, pour transporter des travailleurs des ports jusqu’aux plateformes pétrolières. « C’était juste après la mort de Kadhafi. C’était horrible de voir la situation en Libye, les gens qui souffraient, les infrastructures endommagées, le chaos. » Après cette expérience, il commence à travailler comme capitaine instructeur à Mahdia, avant de rejoindre SOS MEDITERRANEE en tant que marin-sauveteur.  

« J’ai rejoint SOS MEDITERRANEE parce que j’ai été témoin de plusieurs situations critiques au cours de mes douze années de travail en mer, et je me sentais souvent impuissant. » Achref a vu deux embarcations faire naufrage en Méditerranée centrale. La première près des côtes tunisiennes, alors qu’il travaillait sur un navire de pêche. « Nous avons appelé les garde-côtes tunisiens pour signaler la situation de détresse et avons lancé des bouées aux personnes dans l’eau. Nous sommes restés en attente jusqu’à ce que les garde-côtes viennent leur porter secours. »  Malheureusement, la deuxième embarcation en détresse n’a pas connu le même sort. « Nous avons entendu un appel de détresse sur le canal 162 et avons modifié notre direction pour rejoindre le lieu. Lorsque nous sommes arrivés, 17 personnes avaient péri. Une seule a survécu. » 

« Après avoir vécu des événements aussi tragiques, j’ai décidé d’apprendre comment réaliser des sauvetages d’embarcations en détresse en mer et de m’engager dans des missions de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale. »

À ce jour, Achref a effectué trois missions à bord de l’Ocean Viking. En février dernier, il a pris part à une opération de sauvetage critique dans des conditions météorologiques extrêmement difficiles, au cours de laquelle 130 personnes ont été secourues d’un canot pneumatique en détresse. Malheureusement, deux personnes ont été retrouvées mortes sur l’embarcation. 

« J’ai toujours à l’esprit que je ne veux plus revoir des personnes mortes. C’est très dur de ne pas pouvoir les sauver. Deux personnes ont péri au cours de leur terrible voyage de 12 heures en mer. Chacune d’entre elles est une vie, un être humain, perdu. C’est aussi très dur pour les personnes rescapées. Elles ont perdu leurs amis, leurs parents, dans des conditions horribles. Même si nous avons sauvé 130 personnes ce jour-là, il y aura toujours deux personnes manquantes. Nous aurions souhaité que cela n’arrive pas. Je suis en colère, parce que les passeurs en Libye ne se soucient pas de la vie des gens. Heureusement, nous avons pu trouver cette embarcation en détresse à temps pour sauver les 130 autres personnes. »  

Achref est prêt à continuer à travailler en tant que marin-sauveteur pour SOS MEDITERRANEE tant que de telles missions de sauvetage seront nécessaires.

« J’aimerais continuer à être sauveteur jusqu’au jour où il n’y aura plus de départs, plus de souffrances, plus de situations critiques en mer. » 

 

Crédits photographiques : Jérémie Lusseau / Laurence Bondard / SOS MEDITERRANEE

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